Je suis née à Leuven. Une maman flamande, un papa à moitié belge, à moitié égyptien, deux frères et une soeur, dont deux nés en Corée. La première phrase appris à écrire c'est : een man met een aap. Je n'écris plus en flamand depuis qu'en 1972, Louvain a décidé de se définir selon les règles de l'appartenance à une langue plutôt que de rester la ville de transmission du savoir qu'elle était depuis la fondation de l'université. L'adage familial décrétant que la terre est vaste et que si on ne veut pas de toi ici, c'est l'occasion de se transplanter ailleurs, j'ai grandi à Louvain-la-Neuve, à l'ombre d'une bibliothèque digne d'une bd de science-fiction, construite sur les hauteurs de la ville nouvelle, là où d'ordinaire on bâtit les églises. Dans la bibliothèque familiale, le coran, la bible, le petit livre rouge, le petit livre vert et « clefs pour le zen », étaient rangés côte à côte et la tâche me revenait de les épousseter une fois par an. Changer d'identité au gré des projets me semblait une belle occupation, j'ai donc opté pour le métier de comédienne. Je n'ai rien compris à l'école. Mon apprentissage s'est fait dans les jeunes compagnies, avec Fred Dussenne aux Ateliers de l'Echange et Mathieu Richelle et Béa Didier dans la compagnie Ricochets. Démonter et charger le camion, faire la billetterie, rencontrer les spectateurs ou défendre un projet en réunion ont été aussi formateurs que de mettre en scène ou d'écrire. J'ai écrit quelques pièces, des textes hybrides, des textes éphémères liés à la rencontre du plateau, de la salle d'expo, de danse, de concert. On dirait que pour l'instant c'est l'écriture qui prend toute la place. La mienne, au quotidien, et celle des autres, dans les ateliers et les accompagnements. Comme personne n'a encore réussi à faire coter les mots en bourse, quand les temps sont durs, je reviens à cette notion de base : les mots sont à tout le monde, ils s'échangent et circulent librement, aucun obscurantisme, aucune régression ne peuvent empêcher leur danse.