QUELQUES-UNES création
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MISE EN SCENE sylvie de braekeleer
 
   

L'Homme qui perturbait les femmes

Sylvie de Braekeleer signe la mise en scène du très cinématographique « Quelques-Unes », au Rideau de Bruxelles

A quelques jours de son mariage, un homme entreprend une bien étrange aventure : parcourir les Etats-Unis pour retrouver ses anciennes petites amies et vérifier qu’aucune rancœur ne subsiste. Ce n’est pas un Don Juan, mais un type comme tout le monde : il a aimé, quitté ou s’est fait quitter. Mais, comme tout le monde, son passé ouvre sur des gouffres inattendus.
Méthodique, inquiétant et jusqu’au-boutiste, l’auteur américain Neil LaBute, né en 1963 à Détroit, réussit avec Quelques-Unes une nouvelle pièce entêtante. Qu’il écrive pour le cinéma ou le théâtre, LaBute sème l’angoisse existentielle, doublée d’un rire un brin douloureux. Au cinéma, on se souviendra de Nurse Betty ou d’En compagnie des hommes. Au théâtre, le Rideau de Bruxelles avait dévoilé en 2004 La forme des choses, où une femme choisissait un homme pour le façonner en œuvre d’art, scalpel à l’appui – une belle métamorphose du jeune acteur Yannick Renier.

Cette fois, c’est le passé que Neil LaBute tente de remodeler. Sur la scène du Rideau, une suite de quatre dialogues, très cinématographiques, va quadriller un abyssal champ de questions. Peut-on changer le cours des choses qui ont eu lieu ? Peut-on changer le cœur des gens ? Quel serait le prix à payer ? Le trait mathématique de l’écriture dessine des motifs parfois un peu artificiels, mais toujours placés entre rire et grincement de dents.

La mise en scène de Sylvie de Braekeleer exploite l’intimité des dialogues pour forger un spectacle très cinématographique. On se croirait dans un gros plan permanent, tandis que le décor d’hôtel d’Olivier Wiame joue habilement la carte de l’allusion plutôt que du réalisme. Tout réside dans le mystère des mots, barques houleuses jetées sur la mer des sentiments. A ce jeu, Philippe Jeusette s’avère un capitaine magistral. Il manie ou manipule le monde féminin avec un abattage féroce et subtil. Les dames le lui rendent bien, avec la naïve Sam (Valérie Marchant), l’échevelée Tyler (Annick Johnson), l’imperturbable Lindsay (Stéphane Excoffier) ou l’intrigante Bobbi (Micheline Goethals).

Quatre scènes, quatre genres, pour un seul constat : personne n’a encore compris ce que voulait dire aimer, même si tout le monde le fait.

Laurent Ancion © Le Soir 19/04/2007


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LA TOURNEE DES EX AVANT LE MARIAGE

Le féroce Neil LaBute revient au Rideau avec "Quelques-unes". Etrange de régler ses ruptures avant le mariage. Soutenu de femme en femme.

Sur le fil, prête à replonger dans les bras de son amour de fac, Valérie Marchant, alias Sam, entre en scène avec ses airs touchants de Julia Roberts qui donnent d'emblée le ton américain de "Quelques-unes", comédie dramatique de Neil LaBute, venue clore en fine légèreté la saison du Rideau de Bruxelles.
Avant de se marier, un homme décide, pour mieux régler ses ruptures, de revoir certaines de ses ex. L'une sera timorée, l'autre délurée, la troisième manipulatrice, la quatrième, entière. Précieuse galerie de portraits face à un être de plus en plus abject, un homme qui n'a cessé de fuir, laissant de nombreuses blessures en son sillage. Auteur, scénariste, réalisateur, Neil LaBute, rendu célèbre par "En compagnie des hommes" ou "Nurse Betty", revient pour la deuxième fois au Rideau où "La forme des choses" a été créée en 2004.

Dramaturge salué pour sa sympathique férocité, l'homme de Detroit dissèque volontiers la nature humaine, la pousse dans ses derniers retranchements et propose une analyse de la société et des relations hu aines dans la pure veine d'une certaine littérature américaine.

Mise en scène par Sylvie de Braekeleer, qui signe un sans-faute tant du côté du casting que de la scénographie (Olivier Wiame), "Quelques-unes" entre dans le registre du théâtre contemporain et cinématographique.

Fort, imposant, loin d'être irrésistible et pourtant troublant, Philippe Jeusette incarne l'homme avec une réelle bonhomie qui sied au personnage, un Américain diplômé qui aspire à une certaine célébrité. L'assurance première se fissure au fil des retrouvailles, des confrontations et surtout des renvois à soi. De plus en plus ébranlé, du moins le croit-on, par ses rencontres, il transpire de sueur et de lâcheté donnant la juste réplique aux comédiennes dont les interprétations se suivent sans se ressembler. A la fragile Valérie Marchant succède une Annick Johnson pleine d'aisance dans la peau d'une nana vachement branchée sexe. Mûre et forte dans le rôle de Lindsay, femme abandonnée en plein embarras, Stéphane Excoffier habite la scène et maîtrise aussi bien sa partition que sa colère. Micheline Goethals, enfin, jolie cerise sur le gâteau, épouse l'écriture de Neil LaBute pour semer la confusion jusqu'au rideau. Et s'il l'avait vraiment aimée ? On ose à peine y croire.

Laurence Bertels © La Libre Belgique 21-22/04/2007

 

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L'quatre "ex-" et un futur marIé

Spectacle astucieux pour un « vaudeville » moderne


Si vous pensez rencontrer prochainement une de vos « ex-« , passez d’abord au Rideau voir « Quelques-unes » de l’Américain Neil LaBute, rythmé par Sylvie de Braekeleer. Un moment de bravoure pour le comédien Philippe Jeusette mis à mal par quatre comédiennes de talent…


Un écrivain, célibataire endurci, avant de se marier, décide de parcourir le pays (l’Amérique), de chambre d’hôtel en chambre d’hôtel pour – apparemment – clore de vieilles histoires d’amour, afin d’apaiser les rancoeurs et de s’engager dans sa nouvelle vie, l’âme en paix. Pas net, avec ses bons sentiments, qu’espère-t-il ? Se convaincre du bon choix ou puiser de la matière à un nouveau best-seller ? L’ambiguïté reste totale au bout de deux heures de spectacle. En attendant, il va être servi ! Après une sélection, il donne rendez-vous à quatre femmes « élues ». Dans le style du film « Broken flowers » de Jim Jarmusch, les rencontres sont des plus étonnantes.

Sur scène, une chambre standard d’une chaîne d’hôtel : lits jumeaux, lampadaire, table, petit bar. La mise en scène efficace va, au gré des rencontres, simplement changer les meubles de place et agencer une nouvelle chambre, dans une nouvelle ville, pour un nouveau rendez-vous.
Le tour théâtral est joué et la magie opère en quatre actes où ce sont les quatre femmes qui semblent pousser le « la » de quelques ambiances pimentées.

La première, Sam, est l’amour de jeunesse à qui il a promis le mariage pour ensuite la quitter, de peur d’une vie pantouflarde. La deuxième, Tyler, est celle des expériences sexuelles. La rencontre, sous chaude tentation, est… drôle à souhait. La troisième Lindsay est la plus rancunière. Pour cause, il l’a lâchée en pleine galère. Enfin, la dernière, Bobbi est celle avec qui cela aurait pu fonctionner, s’il n’avait pas fantasmé sur sa sœur.

scènes finales

Dans un jeu sous haute tension et des dialogues rapides, Neil LaBute, (qui se partage entre le théâtre et le cinéma) a encore une fois tracé une pièce grinçante sur la supercherie des sentiments, les rapports hommes/femmes, la manipulation des relations.

Car le plaisir nous prend devant tant de férocité où les anciennes amantes jouent la dernière scène de couple dans un mélange complexe de sentiments, entre des crises de jalousie (20 ans après), des attentes romantiques et des revanches puériles sur le passé comme une gifle donnée à retardement.

Sylvie de Braekeleer possède un texte efficace et surtout cinq bons interprètes qu’elle dirige avec brio sur l’essentiel, dans une atmosphère de circonstance réussie, presque palpable, avec ses malaises, ses non-dits, ses attouchements discrets et ambigus… Enfin, Philippe Jeusette, un de nos meilleurs comédiens, relève ce rôle inhabituel pour lui : trouble, fuyant, libertin. Epoustouflant, il est sur scène, sans arrêt, dans un jeu de caméléon,  et dévoile une palette expressive, fluide, tantôt à cran, tantôt désespéré, tantôt en tendresse, et toujours à demi sincère ! En face à face, des comédiennens assurent un max, comme Valérie Marchant (Sam), toute en frémissements pathétiques, et Annick Johnson (Tyler), coriace en célibataire épanouie et affranchie. Moins évident, Stéphane Excoffier prend trop en force sa Lindsay et Micheline Goethals en Bobbi, se débrouille dans un jeu d’intériorité nuancé qui perd de sa saveur par un dernier acte trop long.

Neil LaBute est un auteur à suivre, dès le 3 mai au Zut avec la création d’un texte nouveau (« Bash ») et à déguster pour l’heure au Rideau…

Nurten Arka © La Capitale 21/04/2007

 

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