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Ma grand-mère racontait des histoires dans la cuisine.
Assise sur la chaise avec les pieds qui ne touchaient pas le sol. Elle accusait l'arthrose d'emporter le peu de hauteur que lui avait accordé le destin. Mais elle racontait des histoires de géantes, de sorcières, qui n'avaient peur de rien.
Ce n'est pas la hauteur du narrateur qui compte, mais seulement celle du personnage. |
Mon père racontait où ça lui prenait, par exemple à table.
Il racontait la vie des petits garçons pendant dans la guerre, du danger qu'ils couraient. Quelques fois, on leur tirait dessus. Une fois même, mon père risqua de se faire souffler par des bombes, une autre fois il poursuivit un chat sur la corniche au troisième étage, et une autre fois encore, il s'enfonça une barre de portail dans la jambe alors qu'il s'échappait d'un jardin où il avait volé le fruit. C'étaient des histoires tragiques mais aussi comiques.
La mort est grotesque si à la fin personne ne meurt.
Ma mère fut envoyée dans un pays du nord parce que ses parents espéraient que la-bas, elle court moins de dangers. Quand elle rentra à Rome, elle vit les lampadaires allumés le long des rues mouillées et il lui sembla qu’elles étaient d'argent.
Ce soir-là, ils mangèrent des dattes et elle comprit que la guerre était vraiment finie. Un jour, elle s'est assise et elle m'a raconté cela, et d'autres d’histoires pendant plus de deux heures. Pas pour les histoires mais pour les deux heures passée ensemble.
Nous racontons pour ne pas rester seuls.
A deux ans, mon fils chantait une chanson qui disait: sciapata sciapata sciapata... Paroles et musiques inventées par lui. Ca ne veut rien dire, mais de temps en temps, on la rechante.
Les choses sont plus importantes que leurs significations. Manger une pomme remplit l'estomac. Parler de pommes ne rassasie même pas les philosophes.
Ascanio Celestini
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