Je croyais écrire ci, j’ai écrit ça. Ce ça qui m’a échappé m’intéresse davantage que ce ci que j’ai cru maîtriser. Ce ça me fait peut-être entrevoir la lumière de ce que dit Pablo.
Depuis longtemps maintenant (disons longtemps à mon échelle d’humain), je bricole mon existence autour du projet d’écrire.
Il s’agit de trouver des arrangements avec les autres humains (disons la société), des compromis, des autorisations spéciales, des dérogations.
J’y arrive plus ou moins.
Mais tout de même, je passe beaucoup de temps à ne pas écrire pour avoir le droit de passer mon temps à écrire.
De toute façon, depuis que j’essaie d’être écrivain, j’ai désappris ce qui me permettrait d’être autre chose.
Et ce n’est pas à plus de cinquante ans, n’est-ce pas…
La phrase suivante de ce petit texte est alambiquée et ( alors que j’essaie de faire croire que je suis écrivain )je me sens soudain incompétent à la faire plus simple.
Pour perpétuer et non tuer mon désir d’écrire, je travaille à préserver en moi la faculté de jouir de la sensation de la première fois que je vis en écrivant, une sensation d’enfant.
Je suis un vieil enfant. Cela n’a pas que des avantages.
Mais ne nous plaignons pas.
Les écrits s’accumulent. Du fait de leur imperfection (disons du sentiment d’insatisfaction qu’ils me procurent), ils fouettent mon envie de m’y remettre, ils me confortent dans mon naïf espoir d’un jour approcher Pablo.
C’est ma vie.
Eric Durnez
Gaudonville, mars 2011
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