JON FOSSE
Le Rideau de Bruxelles a monté de Jon Fosse Quelqu’un va venir en 2000-2001 dans la mise en scène de Christine Delmotte, une pièce qui s’inscrit dans une même familière étrangeté. Un homme, une femme, un endroit « où il n’y avait personne où il n’y avait que nous » et une nécessité qui s’impose d’elle-même. Ainsi semble être l’œuvre même de ce Norvégien né en 1959 et joué dans le monde entier. Où le situer ? Quelque part entre Ibsen et Beckett, entre le poids de l’éducation protestante, les relations familiales, l’appartenance sociale, et la métaphysique, la liberté absolue de l’écriture. Jon Fosse a développé un répertoire apparemment abstrait qui renvoie pourtant avec force à notre condition, tout autant qu’au pouvoir de l’art. Car l’intérêt d’Hiver, de Quelqu’un va venir, de ses autres pièces, réside tout autant dans l’écriture que dans ce qu’elle fait émerger. « Le lieu d’où vient l’écriture est un lieu qui sait bien plus de choses que moi, car en tant que personne je sais bien peu de choses. Depuis ma prime jeunesse j’ai toujours écrit, presque comme une manière d’être au monde. Car lorsque j’écris un texte qui me paraît bien écrit, quelque chose de nouveau vient au monde, quelque chose
qui n’était pas là auparavant, et cela, le plaisir de faire surgir des personnages, des histoires que personne ne connaissait auparavant, pas même moi, m’étonne et me réjouit. Personne ne connaissait cela avant que je ne l’écrive. Et d’où cela vient-il ? »
Jon Fosse a grandi dans la ferme de ses parents au bord d’un fjord. Son père dirigeait la grande épicerie. Il écrit depuis toujours et est venu au théâtre après la poésie et une quinzaine de romans, y compris pour la jeunesse, de récits, d’essais. Seuls ses trois derniers romans ont été traduits en français (Melancholia I, Melancholia II, Matin et soir). Ses pièces ont été publiées aux Éditions de l’Arche et mises en scène par Claude Régy, Jacques Lassalle, Thomas Ostermeier, Denis Marleau... Il est l’auteur norvégien le plus joué dans son pays et dans le monde. Il vit à Bergen, est titulaire d’une maîtrise en littérature comparée et a dévoré Derrida et Blanchot. Il a consacré un essai à Henrik Ibsen qui fait autorité. Sa première pièce était une commande Et jamais nous ne serons séparés créée en 1994 à la Nationale Scène de Bergen. Depuis, il n’a pas cessé d’en écrire. « Je cherche une écriture simple et concrète et j’espère toucher en même temps aux grandes questions de la vie. » « À travers tous ses textes, dit son traducteur Terje Sinding (1), les mêmes thèmes reviennent, les mêmes images récurrentes, obsessionnelles, qui passent d’un texte à l’autre, quel que soit le genre. L’écriture elle-même est singulière, avec ce principe de répétition. La différence principale se trouve dans le foisonnement de l’écriture romanesque, avec des phrases qui se dévident sur plusieurs pages et dans lesquelles il faut plonger en apnée, tandis qu’au théâtre triomphent la brièveté, le minimalisme, l’épure… Elle est toujours très musicale. Hiver serait un duo de théâtre de chambre écrit en quatre mouvements, deux fois deux mouvements binaires et répétitifs. On ne sait jamais précisément ce que cela veut dire. Il y a dans ses pièces, et dans Hiver en particulier, une grande ouverture du sens ». « En revanche, la forme est précise dit Jon Fosse, j’écris des textes fermés sans vouloir les rendre énigmatiques parce que je sais pertinemment ce que j’écris. »
(1) Entretien avec Yannic Mancel pour la création française au Théâtre National Lille-Tourcoing.
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