HIVER accueil

 

 

auteur jon fosse
MISE EN SCENE elvire brison
 
   

l'improbable rencontre

Une jeune femme déracinée, sans repère. Un père de famille à la vie rangée. Un jardin public. Une chambre d'hôtel. Elle est une solitaire, peut-être paumée, peut-être saoule. On ne saura rien de son passé. Lui a une assise sociale, familiale, professionnelle, mais qui va s'effriter.
L'écriture de Jon Fosse (né en 1959) inclut le temps, les silences, privilégie le rythme, s'attache à rendre visible l'invisible, à faire entendre l'inaudible. L'amour et la mort sont liés de façon inextricable, en particulier dans "Hiver", pièce brève et étrange, faite de bribes de dialogues entre deux êtres qui tentent de se rejoindre et, dans le même temsp, se rejettent.

Inquiétude

 

Rien que de très humain, de très ordinaire dans cette hésitation, ces trébuchements, cette inquiétude, cette parole qui surgit, s'étiole et renaît pour permettre aux personnages de faire connaissance, d'accepter la curieuse forme d'amour qui les lie, dans le no man's land d'une ville puis d'une chambre. Et pourtant, le dramaturge norvégien, du banal, fait éclore une musique singulière. De celle qui habite les bords de précipices. Qui laisse affleurer les émotions, se déployer les nuances.
"Tout est reflet, miroir, résonnance, rythme. Le temps fait son travail, ouvre des brèches qui changent la nature à chaque instant. Subjugués, nous nous engouffrons dans cette béance, le quotidien nous livre son inquiétante étrangeté, explique Elvire Brison, qui signe la mise en scène de cette nouvelle création du Théâtre du Sygne. Fosse nous dit considérer l'écriture comme une mise au monde. Son style est une variation de la langue, une modulation, une tension du langage, il écrit pour donner la vie ou la libérer là où elle est emprisonnée. A tout moment, peut surgir quelque chose, un éclair qui nous fait voir ce qui restait tapi derrière les mots".

M.Ba © La Libre Belgique

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brève rencontre

Un homme et une femme, dans un jardin public. Ils ne se connaissent pas. Elle l'appelle, comme si sa vie en dépendait. Il veut partir, finit par rester. Ils parlent. A peine. Puis, ils se retrouvent dans une chambre d'hôtel. Mais ces deux-là ont-ils un avenir ?
Proposé en novembre au Théâtre National dans une version venue de France, Hiver de Jon Fosse est aujourd'hui monté au Théâtre de l'Ancre, à Charleroi.
L'intrigue est d'une minceur extrême, hormis le mystère qui entoure la femme. On ne saura rien d'elle - hystérique ? amnésique ? prostituée ? - et à peine plus de l'homme. Tout semble suspendu dans un ailleurs à la fois banal et irréel. Comme si, pour ces deux-là (pour lui, en tout cas), rien d'autre n'existait que leur rencontre.
Si l'écriture minimale de Jon Fosse entend nous faire ressentir la terrible difficulté du dialogue, elle nous lasse rapidement par ses répétitions obsessionelles.

Heureusement, Valérie Marchant et Angelo Bison, subtilement dirigés par Elvire Brison, parviennent à en tirer le maximum.
La première impose une personnalité changeante, tantôt émouvante dans son désarroi, tantôt exaspérante dans son agressivité. Crâneuse comme on peut l'être au bord de la dépression.
Le second est bouleversant de timidité, d'hésitation, puis de jubilation fiévreuse lorsqu'il largue les amarres de sa vie banale. Une hésitation, un regard inquiet, un sourire maladroit, un geste ébauché : Angelo Bison remplit les vides de son personnage avec le langage du corps. Du grand art, tout en finesse, au service d'un texte, qui reste malheureusement prisonnier de son système.

Jean-Marie Wynants © Le Soir 13-14/01/2007

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rencontre et lignes de fuite

 

Rien ne réchauffe "Hiver" de Jon Fosse, créé à l'Ancre par le Théâtre du Sygne.

Il est en déplacement professionnel, marié, deux enfants. D'elle on ne saura rien - est-elle juste paumée, ou ivre, d'alcool, d'autre chose, de solitude ? - sinon son impérieux besoin d'amour. Il attend, dans un parc, l'heure de son rendez-vous. Elle l'aborde, l'appelle l'interpelle - "toi, oui toi, là..." - au moment où il part. Ils se retrouveront à son hôtel. Son insistante insouciance à elle fera vaciller ses références bien établies à lui.
Ce type de scénario, le cinéma et la littérature, voire la télévision, en ont engendré par centaines. Aussi nous apparaît-il dans "Hiver" sinon usé, du moins exempt de toute nouveauté. Un renouveau qu'au moins on aurait espéré dans la forme. Or l'écriture de Jon Fosse - ce verbe haché, hésitant, qui pour être humain n'en reste pas moins froid - ne suffit pas à revivifier ce qui, dès lors, se résume à un exercice de style.
Il faut de l'abattage, du talent, voire du courage pour conférer ne fût-ce qu'un peu de chair à ce dialogue pétri de silences, d'hésitations, de oui, de non. Valérie Marchant et Angelo Bison s'y attellent. Elle incarnant la détermination et la fragilité mêlées de cette jeune femme presque fantomatique et pourtant très concrète. Lui donnant à l'homme son assise, sa fougue, sa vulnérabilité, sa couardise aussi.
Selon Elvire Brison, qui signe la mise en scène du nouveau spectacle du Théâtre du Sygne, coproduit par l'Ancre où il est créé, et ensuite accueilli au Rideau, "nous ne sommes plus dans un théâtre de narration, pas de thèse, de point de vue, mais dans un nouveau genre musical, sensible, inquiétant". Là sans doute réside une part de la fascination qu'exerce l'oeuvre du dramaturge norvégien le plus joué, dans son pays et au-delà. Mais qui, décidément, nous échappe.

 

Marie Baudet © La Libre Belgique 13-14/01/2007

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Entre les silences et les mots

Elvire Brison porte à la scène Hiver du Norvégien Jon Fosse. Une pièce qui scelle la rencontre d‘un homme et d’une femme. Où les mots d’amour s’entendent dans les silences...

Les textes de Jon Fosse sont tissés de silences et de non-dits. On pourrait les qualifier de minimalistes. Pourtant ils vibrent de la fragilité des êtres, de leurs angoisses, de leurs espoirs, de leurs blessures cachées. Les protagonistes des pièces de ce dramaturge norvégien né en 1959 n’ont rien d’extraordinaire : ils nous ressemblent. Mais ils sont électrisés par une tension intérieure. En sorte qu’une habitude banale, un incident quotidien peut déclencher dans leur  vie un événement dramatique. A les observer, le spectateur se met insensiblement à attendre ce que le proche avenir va leur apporter !

A l’instar du Nom, de Quelqu’un va venir ou d’Un jour en été – les œuvres les plus montées de cet auteur sur les scènes internationales -, Hiver bouleverse. Ses deux personnages – un homme et une femme qui ne se connaissent pas au départ -  n’auraient jamais dû se croiser. Car l’homme d’affaires rangé, à l’existence sans histoire, n’était en rien amené à rencontrer une femme si peu intégrée à la société. Mais il se fait qu’il a un rendez-vous professionnel et qu’il arrive en avance dans un jardin public où elle est assise sur un banc. Tandis qu’il marche, elle l’interpelle. Il demeure silencieux. Elle finit par l’insulter. Et il lui répond. D’emblée, dès le premier mot prononcé, leur vie se modifie. Lui, qui a une épouse, des enfants et un travail, bascule. D’elle on ne sait rien. « Complètement meurtrie, elle erre, crie et se raccroche au premier homme qui passe » commente Elvire Brison. Elle vit dans la marge. Parfois, elle boit et se drogue. Ces deux-là ont des existences diamétralement opposées. Pourtant, l’homme se révèle profondément troublé. Une brèche s’ouvre… « Elle et lui se retrouveront dans l’attente de quelque chose d’indéfini qui leur fait presque peur » précise la metteur en scène. Ensemble, ils sortiront de la douleur du non-dit : ils apprendont à se raconter, à laisser fuser la parole. Et, par la grâce des mots libérés, ils renaîtront. Tout en simplicité dans son écriture et son propos, Hiver touche aux questions essentielles de l’existence humaine. Voilà un texte sur la parole surgissante, sur la transformation, sur le dépassement des interdits. Une pièce où bruit l’invisible : les mots d’amour s’entendent dans les silences. Magnifique frémissement, cette œuvre jaillie dans la société indifférente et dévastatrice qui est la nôtre vient apaiser les angoisses des femmes et des hommes d’aujourd’hui.

Sabrina Weldman © Le Généraliste 18/01/07

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