Durée: 01:25

 

tickets  
T 02 507 83 61
BLACKbird

création en langue française

 

auteur david Harrower
MISE EN SCENE michael delaunoy
 
   

BLACKBIRd, amour maudit

David Harrower revient au Rideau avec un texte dense et implacable.
Valérie Marchant et Angelo Bison le font briller comme un diamant noir.
Pour l'occasion, le Rideau occupe un nouveau lieu, l'ACB Factory.


On a pu découvrir mardi soir le nouveau lieu investi par le Rideau de Bruxelles près de la gare du Midi. Michael Delaunoy y présentait la première de "Blackbird", huis clos à deux personnages de l'Ecossais David Harrower, magistralement interprété par Valérie Marchant et Angelo Bison.

Un mot sur l'ACB Factory tout d'abord. Facile d'accès, dotée d'un parking couvert de soixante places, cette vaste bâtisse industrielle des années 1930 a été reconvertie par la SDRB (Société de développement pour la Région de Bruxelles-Capitale) en centre d'entreprises dédié aux métiers audiovisuels et créatifs. Elle abrite en son rez-de-chaussée trois espaces idéalement appropriés pour le spectacle vivant. Apprenant que la construction de l'auditorium Paul Willems au Palais des Beaux-Arts ne serait pas achevée à temps, le Rideau a aménagé en quelques semaines l'un d'entre eux en boîte noire intimiste, écrin parfait pour ce diamant nocturne qu'est "Blackbird".

Si vous aimez le "vrai" théâtre, à savoir une exploration du fait humain par les sortilèges de la parole et de l'incarnation, il faut voir en effet ce spectacle tendu, aux courtes répliques hachées où s'affrontent, s'attirent, se rejettent comme des aimants deux êtres à l'extrême d'eux-mêmes. Ramassée en l'espace de quelques heures, l'action détaille leurs retrouvailles. Elle a reconnu sur une photo de presse l'homme qui a abusé d'elle dans son enfance et vient l'interpeller sur son lieu de travail.

Affolé, il l'attire dans le réfectoire de l'entreprise et cherche à se débarrasser d'elle au plus vite. Il a purgé sa peine, changé de nom, refait sa vie : il veut vivre en paix et "oublier". Mais elle ne l'entend pas de cette oreille : sa peine à elle, elle la purge encore et toujours. Passé ce premier règlement de compte, on se dit un moment que cela va tourner façon "Portier de nuit", sur le thème d'une relation perverse entre bourreau et victime.

Ambigu et magnifique

David Harrower, dont c'est la deuxième pièce que présente le Rideau après "Des couteaux dans les poules", va ailleurs et plus loin. Ce n'est pas par hasard que "Blackbird" a reçu le Prix Laurence Olivier de la meilleure pièce en 2006. En une heure et demie, les personnages y sont développés dans toutes leurs composantes : désir, peur, culpabilité, colère, révolte, mais aussi générosité, quête de rédemption, demande et don d'amour.

On ne s'en tire pas ici avec un réquisitoire convenu contre la pédophilie. Une réalité plus complexe, une bouleversante souffrance se dégage de ce regard réaliste, sans concession et sans complaisance, sur l'irréparable, mais où jamais l'on ne juge et dont on sort plus tolérant, plus aiguisé, plus humain en somme. D'une justesse et d'une vérité sans pareilles, Valérie Marchant et Angelo Bison puisent aux meilleures ressources de leur art pour rendre ce prodige possible. La jeune Julie Dalschaert fait aussi une apparition remarquable.

Sous la direction sereine de Michael Delaunoy et dans le décor millimétré d'Anne Guilleray, leur interprétation accroche les spectateurs dès les premières minutes pour ne plus les lâcher jusqu'à la fin. Le temps s'abolit. On est avec eux, on veut comprendre ce qui s'est passé, on pleure sur l'amour maudit, on finit par leur vouloir du bien. C'est ambigu et magnifique.

Et on quitte la salle en se disant qu'il faut faire très attention avec notre corps, avec nos sentiments, avec tous nos actes; qu'aimer n'est jamais simple; que bien vivre exige un héroïsme des plus petits instants. Et que peut-être on pourrait y arriver. Merci


Philip Tirard © La Libre Belgique 23/11/2007

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La Réalité et ses aspérités


Une scène centrale, entourée par le public. Joli miroir, mise en abyme, indice d’une pièce qui tutoie les cimes. Jonchés de reliefs et autres reliquats, poubelle rouge remplie à ras, les caillebotis de la scène tonnent l’arrivée métallique et fulgurante des comédiens. Blackbird, oiseau de fer aux griffes de velours, prend son envol froid et implacable.

Démarrage en trombe, ni temps ni la nécessité, de s’acclimater. Una retrouve Ray, quinze ans après. Il avait quarante ans, elle douze. L’histoire, suggérée par les mots et leur jeu, se dévoile peu à peu. Elle a conduit Ray en geôle et Una dans une prison de l’âme.

Univers froid et industriel, des néons bleus et verts surplombent la pièce. Valérie Marchant interprète une femme révoltée, enragée. Angelo Bison subit de plein fouet cette vague de colère. A cran, épidermique, une vraie pile électrique. Il refuse d’admettre que le passé puisse se conjuguer au présent. Les dialogues fusent, le non-dit flotte et le suggéré l’emporte. Elle vient solder les comptes. Amants inconscients, partis sur la route. Après l’amour il l’avait laissé dans un hôtel. L’avait-il abandonnée ? Allait-il revenir comme il le prétend ? La trame se déconstruit au fur et à mesure de son cheminement. On ne peut que le juger coupable au préalable. Mais elle le désirait et sa flamme elle attisait. Aimant à sa façon cet amant proscrit. Impossible finalement d’émettre quelconque jugement. La vérité est pleine d’aspérités. Rien n’est noir ou blanc.

Le texte de David Harrower, traduit par Zabou Breitman et Léa Drucker, est concis, percutant. Les comédiens, pétris de talent. On palpe cette rage qu’elle contient et déverse. Lui parait tour à tour affligeant et touchant. Faibles il l’ont tout deux été, face à l’incongruité, l’impossibilité d’une relation emplie de passion. Choqué, ému, gêné, intrigué, fasciné, dégoûté. La pièce ne peut laisser indifférent, à aucun instant. Une mise en scène excellente sert ce merveilleux texte. La comédie humaine oscille entre ténèbres et lumière.  Angelo Bison et Valérie Marchant se complètent et se hissent ensemble au sommet des planches. Aux moments de désespoir répondent des instants de beauté. L’habileté de la scénographie ajoute beaucoup au plaisir. Le public qui se voit comme dans un miroir, scrute ses propres réactions en même temps que l’action. Envoûtant condensé d’humanité.
 
Gabriel Hahn © www.cultureetdependances.be 27/11/2007

 

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BLACKBIRD. Puissant et brillant... BIS !


Huis clos entre un homme et une femme.
Des retrouvailles contraintes 15 ans après.
Après quoi ?
La question est là, lancinante.
La gêne est perceptible, la peur suinte entre les mots.

Vite, vite, il la pousse dans la cantine (sorte de dépotoir où les employés accumulent déchets alimentaires en tout genre).
Il la cache ?
Il a craint l’opinion de ses collègues ?
Pourquoi ?
Que s’est-il passé entre eux jadis ?
Petit à petit, les vérités vont émerger.
Un pluriel bien nécessaire, car chacun a ressenti les choses différemment, a vécu leur histoire autrement.

Lui (Angelo Bison), homme de 40 ans, un peu déboussolé par sa vie est tombé amoureux d’une enfant de 12 ans.
Amour ou pédophilie ?
La loi des hommes a tranché, il a été condamné, il a subi sa peine, il s’est reconstruit une nouvelle vie.

Elle (Valérie Marchant), jeune victime de 12 ans, a dû grandir avec cela, avec la honte de ses parents, le doigt pointé vers elle de son entourage, la compréhension des choses qu’on essayé de lui inculquées les psychiatres.
Par hasard, bien des années après, elle aperçoit sa photo dans un magazine.
Elle a rassemblé tout son courage pour venir l’affronter, sur son lieu de travail.

Ils vont s’affronter, se craindre, se dévoiler, avec des mots simples, des paroles fortes.
Ils se retrouvent pour la première fois face à face.
Au-delà de la rage, la rancœur et l’horreur, ils ont enfin l’occasion de s’avouer ce qu’ils n’ont pas su ou pu se dire.
Un texte interpellant, puissant, prenant et sans parti pris de l’écossais David Harrower.  Profondément humain, il nous décrit une situation touchante, une réalité qui se cache derrière les grands titres des tabloïds, derrière les commérages d’un quartier.

Au risque d’en choquer beaucoup, il laisse aussi la parole au bourreau en décrivant avec beaucoup de finesse tous les sentiments.  En rendant perceptible les affres et les désespoirs de l’un comme de l’autre, il confronte les deux détresses, il laisse les douleurs s’exprimer (notamment dans un poignant monologue de Valérie Marchant), pour renvoyer dos à dos deux victimes incomprises et inconsolables, deux vies à jamais détruites.
Loin d’être un réquisitoire contre la pédophilie, Blackbird crie une juste colère, hurle une culpabilité extrême, pleure un amour anormal, crie une double souffrance solitaire et quémande un pardon impossible.
Valérie Marchant et Angelo Bison nous offrent une interprétation vibrante, ils nous transportent pendant une heure et demie dans une parenthèse de sentiments, d’aveux et de non-dits.
Nous les avions déjà admirés l’an dernier dans Hiver.
Après Blackbird, on va les exiger encore plus souvent.
Il serait injuste d’encenser de manière très méritée ce duo exceptionnel et ne pas citer la toute jeune Julie Dalschaert qui apparaît comme un petit météore lumineux, mais qui dégage déjà une surprenante présence scénique.
Michael Delaunoy, pour sa première mise en scène au Rideau, signe un travail soigné, vif et très impressif. Ce sera donc un plaisir de l'y retrouver prochainement dans son nouveau travail de directeur artistique.
Une seule conclusion s’impose donc …
On en redemande !

Muriel Hublet © www.plaisirdoffrir.be 27/11/2007

 

 

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sombre et lumineux****

Il y a de nombreuses raisons qui pousseront à aller voir le premier spectacle du Rideau mis en scène par son nouveau directeur, Michaël Delaunoy. Lieu de la représentation, modernité de l’auteur et densité du texte choisi, jeu des comédiens, mise en scène, éclairages et scénographie, chacun de ces aspects mérite une évaluation positive. Et l’ensemble, de conférer à « Blackbird » un air de franche réussite !

La salle des Bozar qui devait accueillir les représentations n’ayant pu être rénovée dans les temps, c’est au coeur d’une boîte noire improvisée dans un des hangars de l’ABC Factory (lieu dédié jusqu’à présent au monde de la publicité et du cinéma) que l’équipe a pu trouver refuge. Les habitués du Rideau voient ainsi leurs repères géographiques modifiés et, contraints de se perdre bien au-delà du centre, dans le quartier du Midi, se voient offrir l’occasion d’échapper à la mélodie ronronnante de l’abonnement en réenvisageant la sortie théâtrale comme une sorte d’ « aventure » et de l’accepter d’autant mieux que le déplacement, finalement, en vaut la peine.

A l’intérieur de cette boîte noire, le dispositif scénique, un long couloir métallique de part et d’autre duquel les spectateurs prennent place, accueillent les allées et venues de Valérie Marchant et Angelo Bison qui portent avec conviction ce face-à-face poignant de l’auteur écossais contemporain David Harrower. Ce dernier, indéniablement, a un style : son écriture tranchante hache le phrasé. Interruptions, répétitions, chevauchements. Les premiers échanges entre les comédiens peuvent laisser croire à un manque de fluidité, à un travail du texte volontairement démonstratif. Pourtant, au-delà de la question du style, le génie d’Harrower est d’avoir donné à ses personnages le langage même de la situation dans laquelle ils se trouvent, et celui du metteur en scène, de l’avoir compris. Car qui, après 20 ans de séparation et une relation sans conclusion, serait capable de prévoir ce qu’il va dire et comment il va le dire ? Le réalisme n’est pas toujours là où on croit le trouver...

Una avait douze ans quand Ray, qui avait trois fois son âge, lui a fait perdre son pucelage. Elle a reconnu sa photo dans un journal et vient le voir sur son lieu de travail. La pièce commence comme un règlement de compte entre une ancienne victime et son bourreau qui n’aurait pas purgé une peine assez longue. La pédophilie en serait le thème. Mais ces sombres retrouvailles se chargent rapidement d’ambiguïté et, au fil de leur confrontation, c’est une histoire d’amour que les personnages finissent par nous (se) raconter, amour aussi intense qu’intoléré, aussi véridique qu’impossible. Le déplacement progressif du centre névralgique de la pièce tient le spectateur en haleine. Peu lui chaut d’ailleurs que le public qui lui fait face soit aussi éclairé que les comédiens eux-mêmes car c’est à leurs visages interpellés, contrits, implorants, fermés, agressifs ou passionnés qu’il reste décidément rivé. La mise en scène finit également par se faire oublier tant les énergies qui font passer chaotiquement les personnages d’une chaise à l’autre semblent répondre à leur désordre intérieur fondamental.

La valse des déchets sur la scène, la tenue féminine, provocante « juste ce qu’il faut » portée par Valérie Marchant, l’arrivée troublante d’innocence de la jeune adolescente sur scène sont encore autant d’indices d’un spectacle sans conteste précis, réfléchi et abouti.


Karoline Buchner © www.demandezleprogramme.be 27/11/2007

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Blackbird ***

 

Le Rideau de Bruxelles, devenu temporairement nomade, a élu résidence pour sa dernière création au fond d’un hangar impersonnel de la rue Bara. Blackbird y déploie ses ailes dans un décor froid sur fond froid. La scénographie d’Anne Guilleray joue avec le glacial de l’acier, la tôle ondulée et le blafard des néons. Pas de spots de théâtre dans ce lieu d’occupation provisoire, pas de rapport frontal scène-salle, mais 2 rangées de fauteuils face à face entourant un plateau tout en longueur figurant la zone de repos des ouvriers d’une entreprise pharmaceutique. Une ambiance aseptisée au sol pourtant jonché de déchets de repas et de poubelle pleine…
Dans cet environnement sans âme générateur de frisson, se confrontent 2 personnages bien emmitouflés dans les méandres d’un passé commun qu’ils ne s’imaginaient pas voir resurgir. Vieille histoire de détournement de mineur. L’heure du règlement de compte a sonné. L’homme de près de 60 ans et la jeune femme n’effeuillent pas facilement leurs souvenirs, cramponnés qu’ils sont à la fragilité de leur vie recomposée, cache-misère d’existence fêlée.
Elle revient pourtant à la charge des années plus tard pour essayer de comprendre ce qui s’est passé…
Dans une mise en scène sobre et amorale de Michael Delaunoy, Angelo Bison et Valérie Marchant interprètent avec force ces personnages dont on a coupé les ailes. Des situations à couteaux tirés où le faux se mêle nécessairement au vrai, le désir au dégoût. Dans leur tête, même libres, ces 2 oiseaux-là restent éternellement en cage depuis une escapade qui a révélé au plein jour leur union jugée illégitime. Leur retenue volera pourtant subitement en éclats et donnera un envol étonnant aux détritus de ce local d’entreprise plutôt habitué à une certaine pesanteur. Ô temps! suspend ton vol. Une respiration au sein de ce huis clos, un grand coup de botte à l’extrême tension de leur vie intérieure tourmentée.
A épingler: la belle prestation de la jeune fille arrivant subitement au milieu du jeu de quille. Une justesse de ton rare dans le chef d’un enfant. Preuve d’une direction d’acteurs à toute épreuve.

Thomas Ghysselinckx © ZONE 02 - 28/11/2007

 

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BlackbirD : amoureux ou pédophile ?

Ne tournons pas autour du pot : Blackbird de David Harrower décortique la relation ambiguë entre une précoce fillette et un quadragénaire. Un sujet plus vraiment neuf depuis Lolita de Nabokov, qui prend ici la forme d’une double confession à combustion lente. A 12 ans, Una a eu une relation sexuelle avec Ray. Quinze ans plus tard, elle le retrouve sur son lieu de travail, non pas pour se venger mais le questionner. Car tandis que Ray a changé de nom, déménagé et refait sa vie, elle est restée dans le même quartier, confrontée au mépris des voisins.
Dans un studio de l’ACB Factory, provisoire refuge du Rideau, on découvre un décor de cantine sans âme, jonché de chaises en plastique et de déchets alimentaires, surplus d’une poubelle pleine à craquer (métaphore facile du foutoir qu’est la vie de ces deux êtres déchirés.) Au sol, des plaques métalliques en forme de bouches d’aération donnent un écho plus glaçant encore, soulignant le gouffre qui menace.

Mise à nu

Pendant près de deux heures, un homme et une femme vont se mettre à nu dans une confrontation aussi douloureuse qu’inévitable. Les ressentiments se heurtent, les murs de protection tombent et les souvenirs déferlent : les débuts d’une liaison interdite entre une fillette qui, comme un pari avec sa copine, joue avec le séduisant voisin, et un homme obsédé par cette enfant effrontée. La fuite pour prendre le ferry et quitter le pays. Puis les complications, l’abandon, l’humiliation. Elle, qui fut questionnée par la police, mais déterminée à défendre son « amant ». Lui qui fut aspergé d’excréments en prison et jure n’avoir plus jamais aimé d’autres fillettes.
Et puis, cette fin, étrange ou terrible selon ce qu’on y voit, ajoutant une couche d’ambiguïté. Ray est-il un homme fragile et repentant ou un pédophile manipulateur ? Son histoire avec Una tient-elle de l’abus sexuel ou d’une histoire d’amour ?
Le texte de David Harrower ne porte aucun jugement, évitant toute conclusion rassurante, mais n’évite pas quelques longueurs. Si la mise en scène de Michael Delaunoy ajoute quelques frissons de malaise à ces retrouvailles tendues, les trous d’airs qui ponctuent les dialogues entre Valérie Marchant et Angelo Bison paraissent trop appuyés pour être naturels. Les deux comédiens parviennent tout de même à donner une densité raisonnable à ce couple illicite, démembrant leurs mouvements d’âmes jusqu’à la moelle.

Catherine Makereel © Le Soir 28/11/2007

 

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l'insondable

Un diamant noir qui éblouit, un duo de comédiens à l’unisson d’une composition implacable : Blackbird, de David Harrower, par Michael Delaunoy au Rideau de Bruxelles

Privé temporairement de son petit théâtre du palais des Beaux-Arts, le Rideau de Bruxelles a déniché, pour la création de Blackbird, l’ACB Factory, beau bâtiment des années 1930 converti en écrin de créativité.
Etonnante osmose entre le lieu et la scénographie d’Anne Guilleray : un ruban de caillebotis métallique que Laurent Kaye  travaille de ses néons, dessus et dessous, une lumière crue qui détourne deux être se cherchant, entre les sièges d’une cafétéria bordélique (poubelle en overdose, détritus colorés) et un escalier qui conduit au bureau, à « l’ailleurs ».
Elle avait 12 ans, lui 40 (Valérie Marchant et Angelo Bison, insondables, parfaits). Ils se sont aimés dans la fugue d’un soir, elle le retrouve quinze ans plus tard, après la prison et le chaos, à l’amorce d’une reconstruction. Pour comprendre ? Aimer encore ? Terminer leur histoire ? David Harrower ne nous mâche aucune réponse, aucun jugement, aucune complaisance à cette histoire dite de pédophilie, mais qui se diffracte en plans multiples. C’est à une double magistrale composition que nous sommes confrontés, en pleine lumière : la participation de l’auteur écossais (celui du Couteau dans les poules) et la mise en scène de Michael Delaunoy qui s’y coule au millimètre près, concrète et symbolique, en souffle saccadé, respirations, rythme implacable de la descente en soi, en l’autre, détente et crispations, jusqu’à cette danse, ce jeu dans les ordures renversées où se rejoignent l’enfance, le rêve, le passé explosé. Superbe !

Michèle Friche © Le Vif/L’Express 20/11/2007

 

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