16 janvier 1969. Prague.
Jan Palach, un étudiant tchécoslovaque de 21 ans, s’immole par le feu pour protester contre l’invasion de son pays par l’Union Soviétique.
Pasolini emprunte le prénom et la figure mythique du jeune homme qu’il mêle à son propre destin. Dans Bête de style, qu’il qualifiait lui-même d’autobiographie, Pasolini/Jan est ce poète engagé dans le siècle, exalté par la naissance de son œuvre et la découverte de sa sexualité, « héros » anti-conformiste qui ne parvient pas à transformer ses intentions intellectuelles en acte révolutionnaire. La rage de Jan et celle de Pasolini se ressemblent, jusqu’à leur mort violente.
À travers l’histoire de Jan qui quitte son village pour devenir l’écrivain communiste de sa génération (il recevra le prix Staline pour la poésie !) et y revient à la fin de sa vie hanté par le doute, c’est la tragédie du 20e siècle que Pasolini raconte.
Après Affabulazione, le metteur en scène Frédéric Dussenne poursuit son exploration du théâtre de Pasolini, poète solidaire et solitaire, communiste sans être stalinien, intellectuel et sensuel, qui paiera sa différence de sa vie en étant sauvagement assassiné sur la plage d’Ostie, la nuit de la Toussaint 1975.
Un spectacle épique entrecoupé de musique et de chants interprétés sur scène par les acteurs. L’Internationale, Le Chant des partisans, Kurt Weill, Bach et des polyphonies populaires d’Europe de l’Est viennent émailler le récit d’une vie de références à l’histoire d’un siècle. |
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Dans son Manifeste pour un nouveau théâtre, Pasolini propose de monter simultanément plusieurs de ses pièces en même temps, et de ne pas se contenter de jouer dans les « temples officiels de la culture ». D’où ma proposition d’un diptyque opposant une production à l’arraché de Bête de style dans un lieu alternatif (L’Atelier 210) à une production plus institutionnelle de Affabulazione au Rideau de Bruxelles la saison dernière. Il définit aussi le théâtre comme un rite culturel lié à la parole. Rite culturel parce qu’il y a des corps d’acteurs et de spectateurs en présence qui participent intimement de la forme à construire, en lui donnant la dimension fragile d’une performance ; lié à la parole, parce que c’est elle qui est mise en jeu avant tout. Les scénographies des deux spectacles bouleverseront le rapport acteur/spectateur en faveur de la fragilité et de l’intimité.
Frédéric Dussenne |
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