la maman et la guerre
Face à la guerre, une mère troublante et monumentale dans le nouveau Sireuil.
[…] l’écriture de Gilles Granouillet (très peu connu chez nous), parfois désarçonnant, mêlant le poétique au politique, l’intime et le général. Il raconte l’histoire tragique de la guerre faisant irruption dans une famille […]
De manière géniale, le rôle [de la mère] a été confié au grand acteur suisse Roland Vouilloz.
[…] Cette écriture ne dit pas tout, sauf l’essentiel : que la guerre s’inscrit autant dans les âmes et les familles que dans les images chocs des journaux. Elle pollue le monde.
Pour ce spectacle, Philippe Sireuil et le scénographe Vincent Lemaire ont conçu un espace resserré avec des murs décrépis, couleur sang. Au bout, une porte, celle de nos espoirs obstinément fermés, celle qui mène à l’enfer plus qu’au paradis. Les éclairages aussi comptent : les plongées dans le noir qui permettent de passer du soldat à la fille, du réel à l’imaginaire. […]
Avec Felipe Castro dans le rôle du soldat et une excellente Edwige Baily dans celui de la fille.
Guy Duplat © La Libre Belgique 10/02/2012
la maman du petit soldat à l'atelier 210
[…]La maman du petit soldat, est un pied de nez à la facilité et aux textes simplistes. […] Si la mise en scène est impeccable, on peut aisément applaudir la prestation des acteurs. Felipe Castro nous propose une version idéale du jeu d’acteur. Toujours juste et totalement en osmose avec son personnage. Il fait vibrer la salle par ses mots et ses gestes forts de sens […].La belle Edwige Baily lui rend un professionnalisme tout aussi impeccable, faisant vivre son personnage rempli d’instabilité émotionnelle et de paradoxes.[…] Roland Vouilloz y interprète une mère.[…]Cet acteur est intéressant et sa virilité fait ressortir le côté froid de sa prestation.[…] Cette pièce, écrite par Gilles Granouillet, est un carrefour d’idées sur le thème de la famille et de la guerre, à mi-chemin entre la contestation passive et l’impuissance. […]
Un moment de théâtre pour les puristes créé par des puristes.
Matthieu Matthys © www.lebourlingueurdu.net 10/02/2012

CRITIQUE DU SOIR
Perplexe ! C'est l'état dans lequel on ressort de "La maman du petit soldat" de Gilles Granouillet. [...]
Le lecteur est donc averti : cette pièce n'est pas pour les cartésiens, ni pour les esprits qui fonctionnent par petites cases de rangement, proprettes et définitives.
[...]
Le décor et la bande sonore annoncent d'emblée l'ambiance lynchéenne : une pièce comme un tunnel, débouchant sur une porte mystérieuse (est-on à l'extérieur ou à l'intérieur ?), des murs comme inondés de sang jusqu'à hauteur d'homme, le portrait d'un homme (le père, le fils ?) comme unique et troublante décoration, des sons lancinants, inquiétants. Sur ce plateau obscur se succèdent la Mère, le Fils et la Petite Soeur, trois personnages d'une tragédie qui pourrait être antique mais renvoie aux conflits qui gangrènent notre époque.
[...]
Il ressort entre autres l'implacable mais discrète dénonciation d'une armée qui surfe bien souvent sur la misère sociale d'une population pour recruter ses soldats. Rien que pour ça, on rend hommage à ce travail.
Catherine Makereel © Le Soir 20/02/2012

Soir Première / Nicole Debarre
Olivier Nederlandt : Du théâtre aujourd’hui, et une création : La maman du petit soldat de Gilles Granouillet, produit par le Rideau de Bruxelles -toujours à la recherche d’un toit. Ca se joue à l’Atelier 210 à Bruxelles, dans une mise en scène de Philippe Sireuil.
Nicole Debarre, vous avez participé à la première hier soir.
N.D.
: Oui, et il y a d’ailleurs plusieurs choses à dire sur ce spectacle.
Le texte m’a vraiment plu. Par petites touches, l’auteur suisse Gilles Granouillet campe un décor apparemment très réaliste. Une mère, pétrie d’angoisse depuis que son fils est parti à la guerre, perd petit à petit la raison, elle perd la boule. Sa fille, la sœur du jeune soldat, vit dans cet univers étriqué, entre les souvenirs égrenés par la mère et la liste des courses à faire. Entre ces faits et gestes du quotidien surgit le soldat, comme un rêve. Mais, comme dans les rêves, personne ne s’entend. Ils se parlent, mais personne ne se comprend. Ces arrivées nocturnes du petit soldat sont l’occasion pour la sœur de dire tout ce qu’elle a sur le cœur, toute cette violence latente dans ce rapport frère/sœur, l’angoisse de la folie qui guette la mère, et le complexe de n’être rien pour ce petit garçon qui est parti à la guerre. C’est assez compliqué, assez complexe, mais on s’y retrouve finalement.
O.N. : Voilà pour la trame. Par contre Nicole, vous avez été un peu moins convaincue par le spectacle lui-même.
N.D. : Oui, j’ai trouvé que les options de mise en scène étaient parfois un peu lourdes, un peu trop violement marquées. Le rôle de la mère est joué par UN comédien – qui est toutefois très bon - mais c’est un peu cette option suivante que l’on n’a pas toujours comprise : les césures de scènes sont coupées par des musiques stridentes, et on n’éprouve que très peu d’émotion. Mais je le répète, c’est un spectacle qui ne vous laisse pas indifférent, pour le propos justement.
O.N. : A ce propos, on va donc écouter le metteur en scène, Philippe Sireuil. Il fait ici le lien avec l’actualité que l’on vit et que l’on voit tous les jours.
Philippe Sireuil : Evidement, de par l’actualité et la réalité qui est la nôtre, on a des réminiscences possibles – l’Afghanistan, l’Iraq, le Liban… on ne sait pas trop.
Ce que la pièce met en jeu, c’est cette mère, écartelée, entre le réel et le cauchemar. Est-ce que ce qu’elle vit avec sa fille est le Réel, ou pas ? Dans l’écriture de Granouillet, il y a une espèce de court-circuitage de réalité. L’écrivain dit qu’il a voulu, avec cette pièce, faire rentrer la guerre à la maison. Ce qui me semble aussi être au centre de la pièce, ce qui est dit plusieurs fois, c’est qu’être soldat c’est parfois une façon d’échapper à la misère, que c’est parfois la misère qui envoie les enfants à la guerre… Au travers de situations sociales délicates ou déficientes, i l faut bien s’engager. L’armée fait parfois sa publicité la dessus ! Et cet enfant, qui n’a pas d’éducation, qui a raté son école pour ainsi dire, s’inscrit à un « métier », ce métier est celui de la guerre… si ce n’est que la vraie guerre, ce n’est pas celle que l’on voit dans les films. Comme le jeune homme le dit, à la guerre, les médecins arrivent trop tard, ils ne peuvent pas sauver le héros. Il n’y a d’ailleurs pas de héros à la guerre.
Moi, ce qui m’a retenu dans la pièce, c’est d’essayer de trouver l’univers théâtral qui permette à la fois de raconter le réel et le cauchemar de ce réel. [...]
Nicole Debarre @ RTBF - La Première 09/02/2012

Guerre et père ****
C’est une guerre. Ni celle-ci, ni une autre. Une guerre d’échos intimes, imaginée par Gilles Granouillet. En mission, un jeune soldat pénètre dans une maison où vivent deux femmes. L’une est la mère, l’autre la fille. En fait, toutes les mères et toutes les filles. Ça tombe bien, le soldat est tous les fils. Il n’y a que le père qui est absent. D’une écriture sèche et efficace, Gilles Granouillet nous parle de l’universalité du meurtrier comme de la victime, de leur interchangeabilité et de l’aveuglement de tous face à cette ironie. Une mise en scène subtile aux climats tout en nuances. C’est remarquable, au même titre que la direction d’acteurs. Edwige Baily, Felipe Castro et Roland Vouilloz sont d’une prodigieuse justesse. Puissant comme le souffle de la bombe.
Lionel Chiuch © La Tribune de Genève 18/01/2012

en alerte
La Maman du petit soldat, par sa «matière délicate à manipuler», avait intrigué le metteur en scène. Sans être à message ni moraliste, l’œuvre dit la violence de la guerre et ses ravages sur les sujets humains. Dans le microcosme d’une famille prolétarienne, devenir soldat semble la seule issue à la misère sociale. La guerre y est saisie au plus profond de l’intimité de ses personnages : une mère, un fils, une fille, baignés dans une confusion relationnelle absolue, en constants aller-retour entre un ici et un hypothétique là-bas.
Caressant les euphémismes, Sireuil ne lésine par sur un franc-parler un brin ironique à l’intention de ses comédiens, qu’il dirige de façon très précise tout en leur octroyant une grande liberté. Directif, sans être dirigiste ?
Loin du jeune metteur en scène qui voulait jadis tout cadrer, Philippe Sireuil épouse aujourd’hui son travail avec plus de nonchalance. La Maman du petit soldat, pièce saisissante à découvrir en Vieille-Ville, vérifie sans doute ce postulat de Jean-Pierre Vincent, qu’il aime aussi citer : «Mettre en scène, c’est savoir faire mais c’est aussi laisser vivre».
Cécile Dalla Torre © Le courrier 21/01/2012

philippe sireuil, conducteur d'âmes
D'un corps, il fait un climat. D'une voix, un courant. Le Belge Philippe Sireuil est un directeur d'acteurs d'exception. Ce n'est pas lui qui le dit. Mais ses spectacles. Nouvelles démonstration : La Maman du petit soldat [...].
Du talent de Philippe Sireuil, La Maman du petit soldat est un précipité. Le metteur en scène ne révèle pas seulement un auteur d'aujourd'hui, le Français GIlles Granouillet. Il crée un monde à part.
[...]
Vous montez beaucoup d'auteurs contemporains. Pourquoi ?
- J'aimer être désarmé par un texte. Quand j'ai lu La maman du petit soldat, j'ai été frappé par le caractère obscur de l'écriture. Ce qui est moteur chez moi, c'est souvent ça : l'impression que je n'arriverai pas à monter la pièce, que je ne trouverai pas les clés.
Que demandez-vous aux acteurs à la première répétition ?
- Qu'ils connaissent leur texte parfaitement, pour qu'on passe tout de suite à l'essentiel. Je demande aux acteurs de jouer sur scène toute la pièce, sans pause. Cette traversée, c'est un premier matériau pour eux et pour moi. Nous créons un pot commun d'hypothèses.
Vous n'avez donc pas d'avis préconçu sur le texte ?
- Non. C'est l'acteur qui me révèle ce que je pense de la pièce. Il faut que je le voie marcher pour q'une vision du texte s'affirme. Je me méfie des théories préalables. Patrice Chéreau dit qu'une idée qui n'est pas matérialisée n'existe pas.
Vous êtes toujours l'éclairagiste de vos spectacles, ce qui est rare. Pourquoi ?
- Je ne peux pas déléguer la lumière, c'est physique. Eclairer, c'est guider le regard du spectateur, donner le premier point de vue.
Que voudriez-vous que vive le spectateur à travers La maman du petit soldat ?
- Je fais des spectacles pour toucher le public. L'écrivain Botho Strauss dit que le théâtre permet d'entendre l'infime dans le tohu-bohu. C'est ce que j'essaie de faire, donner à entendre un murmure.
Alexandre Demidoff © Le Temps 01/02/2012
Un spectacle qui nous a littéralement emballés.
© La Radio Suisse Romande

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