le théâtre est fort… avec vous

 

 

Je ne l’imaginais pas comme ça, mon dernier édito avant de quitter la direction du Rideau de Bruxelles.

Il aurait dû être question – sans verser dans la nostalgie larmoyante – d’une aventure artistique et humaine incomparable qui aura duré 13 ans. Aventure débutée par une crise – la saga du divorce avec le Palais des Beaux-Arts -, mais dont j’étais loin de soupçonner qu’elle se terminerait par une crise autrement plus grave…

À vrai dire, je n’avais pas signé pour ce scénario-là.

Ça devait commencer par une crise, OK, mais ça devait se terminer en happy end, à l’issue d’une flamboyante odyssée. Un Rideau made in Hollywood en quelque sorte. Le héros surmonte une série d’épreuves plus effrayantes les unes que les autres, rencontre des personnages hauts en couleurs avec lesquels il vit des épisodes trépidants. Il y a de la passion, quelquefois de la trahison, des bagarres spectaculaires, mais au bout du tunnel, au moment précis où on craint que le héros ne s’en relève pas, tout est bien qui finit bien, avec des rires, des larmes de joie, des chants, de la danse, …

J’aurais remercié, dans un générique de fin kilométrique, tout un tas de gens : l’équipe (y compris celles et ceux qui sont parti.e.s), le conseil d’administration, les artistes, les technicien.ne.s, les partenaires, les pouvoirs publics, vous, bien entendu, spectateur.rice.s fidèles.

Et j’aurais conclu en évoquant non sans fierté la place unique qu’occupe le Rideau dans le soutien aux nouvelles écritures, la situation budgétaire parfaitement saine et enfin le magnifique théâtre rénové (merci les architectes, les entrepreneurs, les artisans, …), que je m’apprête à céder à la prochaine direction.

Bien entendu, j’aurais veillé à ne pas paraître trop solennel ni prétentieux, j’aurais accepté (en râlant gentiment) les propositions de modifications et de coupures suggérées par mes collaboratrices, et j’aurais tourné tout ça avec un poil d’auto-dérision, histoire de démentir ma réputation de metteur en scène intello.

Seulement voilà.
Cet édito-là, vous ne le lirez pas.

Je quitte le Rideau. Mais au regard de ce que l’humanité traverse aujourd’hui, c’est anecdotique.

Alors, malgré mon amour du verbe et de la littérature, je remise pour un instant les figures de style au vestiaire. Et j’en viens à l’essentiel.

La saison 20/21, je n’ai aucune idée si nous pourrons ou non vous la présenter, du moins telle qu’elle vous est dévoilée aujourd’hui…

Pourtant, j’ai l’audace de vous inviter à y croire avec nous. Et je vous propose une sorte d’alliance. Parce que, plus que jamais, le théâtre est fort… avec vous.

Donc, si le Rideau de Bruxelles est une maison que vous jugez important de soutenir, si vous êtes sensible au devenir des travailleuses et travailleurs les plus fragilisé.e.s de notre secteur, ces intermittent.e.s – artistes et technicien.ne.s – qui sont au cœur du travail de création et sans l’engagement desquel.le.s les théâtres n’auraient aucune raison d’être, et si bien entendu vous en avez les moyens, nous vous proposons de nous soutenir, soit à travers un don soit en vous abonnant ou en achetant un pass 3, 6 ou 9 places.

De son côté, le Rideau s’engage :

  • à vous accueillir uniquement dans des conditions sanitaires garantissant votre sécurité – sans renoncer pour autant à son amour de la convivialité,
  • à vous tenir informé.e.s de la nature précise de ces conditions sanitaires,
  • à vous tenir informé.e.s des changements qui interviendraient dans la programmation,
  • à vous offrir un maximum de souplesse en termes de modifications de dates de réservation et de remboursement en cas de report ou d’annulation.

Bon, il est temps pour moi de prendre congé de vous.

J’ai toujours eu horreur des adieux déchirants. Les gares, les aéroports, les embrassades et les larmes… Ah oui, après 13 ans, je peux vous l’avouer : derrière mes airs raisonnables, je suis un incurable sentimental.

Alors, faisons-ça vite et sans cérémonie, voulez-vous ?

Je vous propose un tour de magie. Vous fermez les yeux et vous comptez jusqu’à trois. Quand vous les rouvrirez, je ne serai plus là.

Un, deux, trois…

THE END  

 

Michael Delaunoy