lE BLACK, l'arabe et la femme blanchE **
On trouve difficilement matière plus ardente que la vie et l'œuvre de Jean Genet. Comme une éponge consentante plongeant avec hargne dans tout ce que la société a de plus chienne, l'écrivain s'est frotté à la vie comme on foule un parterre d'orties, son génie littéraire transformant la misère en volupté […]
Acclamé par Sartre ou Cocteau, il campa inlassablement le rôle de paria, dynamitant l'hypocrisie et l'ordre moral, préférant la compagnie des damnés, des pauvres et des faibles, trempant sa plume dans les bordels plutôt que dans les salons.
C'est tout cela que Frédéric Dussenne a voulu ressusciter sur le plateau de l'Atelier 210, piochant dans son œuvre et ses correspondances, et liant le tout de sa propre patte. Autour de Benoît Van Dorslaer, qui se glisse avec majesté dans la peau d'un Genet prêt, avant de mourir, à contempler ce que fut sa vie, quatre comédiens hantent cette rétrospective chronologique, entre fantasmes et fantômes. […] On y retrouve une substance délibérément subversive, avidement charnelle, mais qui n'atteint pas la sublime mutinerie de l'écrivain maudit, ne réveille pas vraiment le parfum de révolte brûlante du poète mendiant.
Catherine Makereel © MAD - Le Soir 18/04/2012

Jean Genet, l’incandescent
Le spectacle parcourt la vie de Genet, de manière quasi chronologique. On y retrouve sous forme de souvenirs ou de moments vécus, à travers cinq acteurs, les moments clés et les fantasmes de sa vie. Son enfance d’abord, tragique, d’enfant abandonné par sa mère célibataire. Il en a conservé une hargne à l’égard de la mère et de la mère-patrie, de la peau blanche et de la société. C’est aussi dans cette jeunesse, au sein des pensionnats, des maisons de correction, des prisons et de la Légion, qu’il découvre la beauté sauvage des mauvais garçons et son homosexualité. La pièce montre ses attirances vers les soldats, les Blacks, les Arabes, les gardiens et même Hitler qu’il imagine dans une vision homo-érotisée.
[…] Genet c’est la sainteté inversée, le cri, l’émotion pure, la dénonciation, le mystique mêlé au trivial. Son théâtre devient le miroir d’une société qui se donne en spectacle mais qui n’aime pas qu’on lui tende cette image obscène. […] Il est du côté des humiliés, des enragés, comme Rimbaud qui lui aussi vomissait la France.
Guy Duplat © La Libre Belgique 21&22/04/2012

des genet en paiX ****
Corps réels ou imaginés qui s’attirent et s’affrontent, miroir ou fantasmes d’un même homme, la dramaturgie torturée et intense de l’auteur s’étale dans un récit aussi passionnant qu’étrange. Frédéric Dussenne synthétise avec une poésie tranchante le passage dans la vie de Genet, homme multiple en combat permanent. Une sorte d’hommage en le ressuscitant.
Les révoltés intellectuels à la morale légère voir inexistante, le metteur en scène aime nous les présenter à la lumière d’un travail d’acteurs sensuel et puissant, offrant ainsi aux mots des habits de chair et de passion. […]
Sur scène, l’écrivain est démultiplié dans une sorte de mythologie où les codes temporels s’effacent au profit d’un rapport frontal à lui-même et aux hommes. La sexualité qui s’en dégage parfois est brute et chorégraphiée. Le jeu prend alors l’apparence d’une danse langoureuse et nerveuse à la fois. […]
Du grand Dussenne encore une fois.
Samuel Bury © demandezleprogramme.be

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